Burn out d'un salarié : comment l'anticiper et le gérer du point du vue légal?

Considéré comme le mal professionnel du siècle, le burnout est un risque psycho-social constituant une problématique pour tous les employeurs. 

Il est défini par l’INRS (Institut de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles) comme « un ensemble de réactions consécutives à des situations de stress professionnel chronique dans lesquelles la dimension de l’engagement est prédominante ». 

⛔️ Ce syndrome d’épuisement professionnel est caractérisé par plusieurs facteurs

  • Épuisement émotionnel : le salarié souffre d’une fatigue mentale intense et d’une incapacité à récupérer
  • Cynisme vis-à-vis du travail : l’attitude du salarié devient négative, dure et détachée vis-à-vis de son travail et des personnes (collègues, encadrements, clients, patients…)
  • Diminution de l’accomplissement personnel au travail : cet élément traduit une dévalorisation de soi à travers deux éléments, le sentiment d’être inefficace et de ne pas être à la hauteur des missions qui lui sont données. 

⛔️ Quant aux manifestations du burnout, elles sont multiples : 

  • Manifestations émotionnelles : humeur triste, manque d’entrain, hyper sensibilité, irritabilité… ou encore, aucune émotion. 
  • Manifestations physiques : fatigue chronique, prise ou perte soudaine de poids, douleurs au dos, à la nuque… 
  • Manifestations cognitives : diminution de la concentration, difficulté à réaliser plusieurs tâches à la fois, à nuancer ou à prendre des décisions… 
  • Manifestations comportementales : généralement le salarié sera plus replié sur lui, moins touché par les problèmes des autres. Il peut avoir tendance à s’isoler socialement, avoir un comportement parfois agressif voire violent… 
  • Manifestations motivationnelles : le salarié va se sentir déprécié dans son travail, et donc aura tendance à se désengager. Il est moins motivé et se dévalorise puisqu’il ne se croit plus capable d’accomplir ce qui lui est demandé. 

Face à ce phénomène qui touchent environ 2,55 millions de salariés en France, les ressources humaines doivent être pleinement impliquées et associées à la prévention des facteurs de RPS et à la gestion d’un cas en burnout. 

C’est également le cas de l’encadrement (les managers ou responsables d’équipes) qui sont des acteurs essentiels dans le domaine de l’organisation du travail et du management. 

👉🏻 En tant que CEO et/ Responsable RH, vous devez donc être équipés pour repérer les situations délétères et agir. 

Parce qu’il représente un véritable risque pour le salarié et engage de sérieux impacts juridiques et pratiques pour l’entreprise, le burnout est à envisager à deux niveaux : 

Sa prévention et sa gestion par l’employeur en cas de burnout avéré.  

Dans cet article, je vous rappelle donc vos obligations en tant qu’employeur pour prévenir vos équipes du burnout et comment gérer un cas de burnout au sein de votre organisation

Prévention du burn out

D’un point de vue légal : Vos obligations en tant qu’employeur 

Dans cette situation où le salarié se trouve en détresse, votre rôle est essentiel : en effet, au titre de l’article L. 4121-1 du Code du travail, « l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». 

✓ Vous êtes donc débiteur d’une obligation de sécurité qui est de résultats (et non de moyens). 

✓ Pour prévenir toute dérive, vous avez plusieurs possibilités d’actions à mettre en place : 

  1. Actions de prévention consistant à multiplier et améliorer l’information et la sensibilisation à l’épuisement professionnel 

  1. Actions de formation et d’information auprès des nouveaux embauchés, des salariés qui changent de poste et qui peuvent être plus exposés au burnout, ou aux salariés qui reprennent une activité après un congé long. 

✓ Par ailleurs, vous avez également l’obligation d’évaluer les risques professionnels sur chaque poste de travail. Ces risques sont consignés dans un document appelé « Le Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels ». 

Il est obligatoire dans les entreprises dès l’embauche du premier salarié. 

L’objectif de ce document est de répertorier un inventaire des dangers et une analyse des risques identifiés dans chaque unité de travail de l’établissement ou de l’entreprise. 

Le burnout doit, à priori, systématiquement y figurer. 

Dans le cas où vous ne prendriez pas de telles mesures et si l’un de vos salariés est victime de burnout, votre responsabilité peut être alors engagée. 

⛔️ Vous encourez de lourdes sanctions et pourriez être condamné à indemniser le salarié pour faute inexcusable s’il apporte la preuve que vous pouviez ou auriez dû avoir conscience du danger encouru mais que vous n’avez rien fait pour le protéger

D’un point de vue pratique : Vos marge de manœuvres 

💡 Il vous est possible de prévenir le burnout en mettant en place une démarche de prévention et d’évaluation des risques professionnels. 

Voici quelques leviers à actionner auprès de vos équipes : 

  • Informez et formez vos équipes : sensibilisez les salariés afin qu’ils aient la capacité de détecter d’éventuels signaux chez leurs collègues ou pour eux-mêmes. 

👉🏻 Faites connaître et savoir que le burnout ne dépend pas de la « fragilité » d’une personne et que chacun peut en être victime ou, à l’inverse, que le surinvestissement individuel dans le travail participe à la prévention et permet de sortir de l’isolement et de lever les potentiels tabous sur le burnout

Des cabinets de prévention du burnout sont là pour accompagner les managers et les équipes dans la reconnaissance, et l’aide de leurs pairs dans cette épreuve. 

L’objectif est de ne pas se désolidariser ni de laisser un collègue ou un salarié s’isoler lorsque vous notez quelques signaux anormaux. 

  • Faites attention à la charge de travail de chacun : la surcharge de travail est le symptôme le plus répandu dans les cas de burnout. 

👉🏻 Assurez-vous donc que vos collaborateurs exécutent leurs fonctions de la façon la plus équilibrée possible. 

✓ Par exemple, vérifiez bien la planification et la prise des congés, des journées de réduction du temps de travail (RTT) et des temps de repos légaux (11 heures hebdomadaires). 

Si vous avez recours aux heures supplémentaires, vérifiez qu’elles ne deviennent pas une norme et soyez transparent dans le décompte des heures.  

✓ Adaptez la vie de l’entreprise pour la rendre la plus compatible possible avec la vie privée des salariés (et la vôtre !) comme par exemple, organiser des réunions ni trop tôt, ni trop tard dans la journée. 

✓ Créez des temps de discussion et de réflexion pour mettre en place des indicateurs de suivi en cas d’augmentation de la charge de travail. 

✓ Encadrez l’utilisation des technologies (télétravail, téléphone et ordinateur portable à distance) pour faire respecter le droit à la déconnexion. 

L’objectif est de permettre à chacun (équipe et encadrement) de trouver un équilibre entre le respect des temps de pause et des congés et la surcharge de travail .

✓ Vous pouvez aussi favoriser les temps de pause collectifs pour renforcer les liens et l’identité d’une équipe. 

  • Donnez des marges de manœuvre : pour préserver sa santé, favoriser son engagement, n’hésitez pas à impliquer votre collaborateur, à lui donner une part active aux prises de décisions. 

Il se sentira plus inclus si son avis est demandé, écouté et pris en compte. 

Laissez-lui le plus d’autonomie possible dans l’organisation de son temps de travail tout en veillant à la bonne marche de l’entreprise (heure d’arrivée avec le trafic, horaires légèrement décalés…)

  • Discutez des critères de qualité du travail : reconnaître l’engagement des collaborateurs et le favoriser permet au salarié de se sentir reconnu dans sa motivation. 

Assurez donc un dialogue entre vos équipes encadrantes et leurs collaborateurs pour ouvrir ce débat de manière ouverte et transparente. 

Si vous détectez le moindre comportement anormal, n’attendez pas avant d’agir : convoquez le manager du salarié, ou rapprochez-vous directement du collaborateur concerné et discutez-en avec lui. 

Vous pouvez avoir beaucoup à perdre si vous laissez la situation s’envenimer !

Gestion du burn out du salarié

Obligations légales et bonnes pratiques 

  • Aidez le salarié à reprendre pied : plus vous ferez preuve d’indulgence, vous serez reconnu pour vos qualités humaines de manager. 

👉🏻 Rassurez votre salarié (« à l’impossible nul n’est tenu »), suggérez-lui de s’arrêter de travail quand vous sentez qu’il risque de se sentir dépassé… 

  • Préparez son retour à l’emploi : il est important que le collaborateur remarque lors de sa réintégration que ses pairs et les équipes encadrantes ont pris la mesure de ce qu’il a traversé. 

👉🏻 Proposez-lui un entretien de retour pour discuter avec lui de manière transparente et encadrez sa reprise de poste : horaires progressifs et aménagés, entretiens hebdomadaires pour suivre l’activité, sensibiliser son manager et ses collègues… 

💡 En somme, adaptez le travail à l’homme et non pas l’homme au travail. 

  • Renforcez l’environnement de travail autour du salarié : le droit du travail comporte un dispositif complet autour de la santé et de la sécurité des travailleurs. 

👉🏻 Vous trouverez un rappel des acteurs présents pour vous accompagner lorsque vous faites face à un cas d’épuisement professionnel. 

🔵 CHSCT, délégués du personnel : ils contribuent à la protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des travailleurs, et à l’amélioration des conditions de travail. 

Ils disposent de plusieurs prérogatives pour assurer leur mission (enclenchement du droit d’alerte, demande d’expertise, proposer des actions de formation, interlocuteurs privilégiés des salariés)

🔵 Médecin traitant : C’est lui qui peut prescrire l’arrêt de travail, il est donc en     première ligne pour repérer les signes précurseurs du syndrome d’épuisement professionnel

🔵  Médecin spécialiste (psychiatre) : Le psychiatre confirme le diagnostic médical et prescrit éventuellement un traitement médicamenteux adapté ou une prise en charge psychothérapeutique (voire un arrêt maladie)

🔵 Psychologue et thérapeute : ils écoutent, accompagnent et aident la personne souffrant d’épuisement professionnel 

🔵 Médecin du travail et service de santé au travail : Ils peuvent faire le lien entre la santé et d’éventuels problèmes ou difficultés au travail. 

Le médecin du travail ne pratique aucune prescription médicale dans le cadre de l’entreprise. 

Lorsque le médecin du travail détecte un problème (la plupart du temps au cours d’un entretien médical), il peut orienter le travailleur vers un intervenant externe (consultation spécialisée, psychologue, médecin, etc.). 

Enfin, le médecin du travail peut adresser un courrier d’alerte à l’employeur en expliquant la situation (moyennant le maintien de l’anonymat) et en suggérant différents axes collectifs d’intervention visant à aider le travailleur (sans le nommer).

Les cas de burnout sont souvent dus à une organisation défaillante. 

💡 Dans la mesure du possible, faites régulièrement un pas de côté pour observer, interagir, et prendre les mesures nécessaires pour venir en aide aux populations de salariés qui présentent le plus de risques au sein de votre organisation. 

Il en va de votre responsabilité de dirigeant et d’employeur !

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L'auteur

Maud Grenier a 10 ans d'expérience dans le recrutement et dans les Ressources Humaines. Elle a travaillé dans des grands groupes et des start-ups en France. Après avoir lancé Internshipmapper.com afin d'aider les étudiants à trouver un stage à l'étranger, elle accompagne aujourd'hui les CEO et les responsables RH dans leur problématique de croissance.

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